Se lancer un défi au piano, pourquoi pas ? Je ne sais pas vous mais personnellement j'aime bien me lancer des défis, cela me permet de progresser. D'ailleurs je viens juste de terminer un défi de jouer au piano 40 morceaux en 40 jours, 5 jours sur 7. Bien que ce challenge eut lieu pendant une période où j'étais confinée à la maison, il été pour moi une expérience vraiment enrichissante. C'est la raison pour laquelle je souhaite partager avec vous mon retour d'expérience et expliquer en quoi l'on peut utiliser le défi comme moteur de progression. J'espère que cet article vous redonnera de la force et le moral en ces temps difficiles que nous vivons.

Une parenthèse pour me présenter à ceux qui ne me connaissent pas, je suis Rachel Bensimon, du blog pianoformation.com. Si vous souhaitez voir la liste la liste des morceaux que je me suis fixé de jouer, vous pouvez y avoir accès dans cet article Mon défi au piano, 40 morceaux en 40 jours.

Qu'est-ce qu'un défi au piano ?

Définition : Challenge à relever.

Au piano, cela consiste à se fixer un objectif de jouer un certain nombre de morceaux en un certain temps et s'y tenir. Cela peut être de monter un morceau / une étude / une gamme au tempo chaque semaine pendant les 3 prochains mois. Déterminer le nombre de morceaux que vous aller jouer et vous engager à le faire. Par exemple : monter 30 morceaux en 30 semaines.

Bien entendu, il est nécessaire de se fixer un objectif qui soit réalisable mais qui demande du travail, un certain effort. S'il est trop "facile", il n’y aura ni enjeu, ni progression.

Pourquoi ce défi ?

Plusieurs questions se posent : Quel est en fait concrètement l'intérêt de se fixer un tel objectif ? N’est-ce pas mieux de travailler des morceaux sans forcément se mettre la pression ?

Objectif : se dépasser / progresser

On a tous besoin d'avancer, de progresser dans la vie, dans quelque domaine que ce soit. Et s'inviter à se dépasser de temps nous permet de sortir de notre zone de confort... On voit souvent des élèves qui ne travaillent pas beaucoup dans l'année, ou font le strict minimum, mais lorsqu'arrive le concert de fin d'année ou le concours ils se réveillent et deviennent de vrais bulldozers !

Le plaisir, une dimension essentielle

Choisissez des morceaux que vous aimez, que vous avez envie de jouer, cela est essentiel. Lorsque j'ai écrit la liste des morceaux de mon défi, mon critère de sélection a été le plaisir et le niveau de difficulté. Jouer des oeuvres qu'on a moyennement plaisir à jouer sape la motivation. Il m'est arrivé même au cours de mon défi de changer certains morceaux car finalement je n'avais pas tant de plaisir à les jouer que ça. Après les avoir changés, cela a reboosté ma motivation.

N'est-ce pas mauvais de se mettre la pression ?

On peut penser que la pression est mauvaise et qu'elle est anti productive, mais saviez-vous qu'en sachant l'utiliser vous pourriez atteindre des objectifs que vous n'auriez même pas soupçonnés ?

Il y a beaucoup d'exemples de personnes qui se sont surpassées littéralement car elles étaient dans un état d'urgence comme si leur vie était mise en jeu. On ne va pas rentrer dans de tels enjeux ni comparaisons mais l'idée est la suivante : Lorsque l'on a pas le choix, on fait tout simplement la chose sans se demander si l'on a envie ou non de le faire, si on est fatigué(e) ou pas etc... (comme par exemple aller à l'école ou au travail). Le principe est simple, si notre esprit décide et donc domine notre corps, alors notre corps obéit ! On trouvera donc les ressources nécessaires pour trouver du temps afin de s'y mettre ! Il est parfois nécessaire de souffrir un peu pour faire des choses, comme par exemple sortir de son lit douillet le matin !

Un défi pour mesurer sa progression

Mesurer sa progression

Avez-vous fait le bilan de votre progression au piano par rapport à l'année dernière ? Posez-vous la question : Avez-vous progressé, stagné ou régressé ? Vous-êtes vous fixé un challenge ou un objectif pour progresser ? Le challenge vous permettra de mesurer votre progression. Vous étiez à un un point A et vous avez mis en place un plan ou une stratégie pour évoluer et arriver à un point B, et cela vous pouvez concrètement le mesurer !

Dans quoi dois-je m'améliorer ?

Je pense que faire un bilan sur le plan pianistique (seul ou avec son professeur) est très recommandé. Réfléchissez et écrivez les points dans lesquels vous avez régressés ou dans lesquels vous avez besoin de progresser. L'idée n'est pas de se flageller mais d'utiliser le défi comme tremplin pour progresser et de se remettre dans une dynamique d'évolution. Par exemple, si vous avez besoin de progresser dans l'un de ces domaines, alors le défi pourra vous aider à :

• gagner en rigueur
• progresser techniquement
• monter plus vite des morceaux
• vous améliorer en déchiffrage
• travailler tous les jours au moins 45' 60' etc…
• monter du répertoire
• avoir beaucoup de morceaux dans les doigts
• apprendre par coeur / travailler la mémoire


Gagner en rigueur


Progresser en déchiffrage

Si par exemple vous avez réellement besoin de progresser techniquement, vous pouvez vous fixer un programme technique. Vous pouvez monter 1 ou 2 études par semaines de Czerny* pendant 4 semaines (ou plus) puis travailler une gamme à fond chaque semaine.

*Czerny était le professeur de Franz Liszt, ce compositeur a écrit beaucoup d'études pour travailler la technique pianistique et la virtuosité.

Dans mon cas personnel, je voulais me challenger de jouer tous les jours et d'avoir beaucoup de morceaux dans les doigts. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu publier un morceau par jour et non par 1 par semaine. J'ai même voulu en apprendre une partie par coeur pour booster ma mémoire. Aujourd'hui j'ai plaisir à jouer tous ces morceaux sans avoir besoin de lire une partition.

Faire participer ses élèves :

Faire participer ses élèves

Et pourquoi ne pas en parler avec vos élèves pour les faire évoluer de manière attractive et ludique ! Bien entendu, le défi sera à définir en fonction du niveau de chaque élève. Cela peut être par exemple "travailler son piano pendant 20 à 30 minutes tous les jours pendant 30 jours" (avec une récompense quand même à la fin !) etc...

Certains de mes élèves ont un système de cartes : Chaque fois qu'ils ont travaillé tous les jours pendant la semaine ils gagnent une carte ou une image et au bout d'un certain nombre de cartes leur parent leur achète un cadeau.

Cela peut être aussi un projet artistique et ludique comme monter un petit spectacle musical comme par exemple le conte musical "Pierre et le Loup". Chaque élève doit jouer une pièce en rapport avec l'histoire racontée par le conteur etc…

Tenir son défi

C'est probablement ici que se trouve la plus grande difficulté. Avez-vous remarqué combien nous prenons souvent des décisions que nous remettons à plus tard. Ou nous avions tout simplement pris une bonne résolution et après avoir commencé, nous nous sommes arrêtés. Tenir son engagement, son projet ou sa parole est très difficile, mais cela se travaille ! C'est la raison pour laquelle annoncer publiquement son défi nous "engage" à nous mettre à l'oeuvre quoi qu'il arrive. Personnellement je suis passée par plusieurs phases dans ce défi et j'ai trouvé que la gestion de l'énergie n'était pas toujours évidente. Je vous les énumère brièvement afin que vous soyez aussi préparés si vous voulez vous challenger et pour maintenir la motivation.

Les différentes phases

La phase de lancement

C'est la phase la plus agréable, la plus motivante ! Pourquoi ? Comme chaque chose que l'on débute, n'avez-vous pas remarqué l'enthousiasme que l'on a ? Débuter un nouveau morceau par exemple ! On est motivé à bloc car la nouveauté égaie notre moral, on est plein d'énergie et de bonne volonté ! C'est comme lorsque vous commencez un nouveau travail ou un nouveau sport : Au début on met toute son énergie et sa passion jusqu'à ce qu'on s'installe dans la deuxième phase.

La phase 2 : on s'installe dans le confort

C'est la phase où l'on commence à s'habituer à la chose. On sent qu'une certaine routine s'installe, que les choses fonctionnent. Contrairement à la phase 1 où l'on devait prendre un certain rythme, dans la deuxième phase on "gère" la cadence.

La phase 3 : l’endurance

C'est la phase la plus difficile car on s'est habitué à la chose, donc on n'a plus la même énergie que dans la phase de lancement. De plus, on doit "garder" le rythme et on est peut être confronté à certaines difficultés (comme lorsque l'on travaille une pièce). C'est un peu la phase où l'on voit si l'on arrive malgré tout à dépasser la difficulté ou si l'on baisse les bras. Personnellement, ce qui m' a aidée dans cette phase est de changer les morceaux que j'avais prévu de travailler. Le fait de découvrir des nouveaux morceaux et de les jouer m'a permis d'intégrer de la nouveauté dans cette phase, et donc de remettre de l'énergie dans mon projet. À vous d'être créatif pour vous renouveler dans votre défi lorsqu'il commence à devenir long ou dur à tenir.

Ce que je retire de cette expérience

Finalement le défi permet d'acquérir de nouvelles compétences et capacités. En plus, après avoir réalisé mon défi j'ai ressenti la satisfaction d'avoir fait quelque chose de mesurable dans une certaine quantité. Parfois on ne voit pas toujours ses progrès dans l'année par rapport à l'année dernière. La différence ici est que cette progression est très visible car l'objectif est très précis. Si on l'a atteint on peut donc le mesurer en quantité et dans le temps, ce qui n'est pas forcément le cas des autres morceaux dans le reste de l'année.

Cela ressemble lorsque l'on joue un morceau dans un concert ou dans une audition après l'avoir travaillé pendant un long moment, et qu'enfin le concert est passé. On ressent alors un certain soulagement et une certaine fierté d'avoir été jusqu'au bout.

Se récompenser

C'est une chose importante que l'on oublie parfois, mais si vous avez enfin atteint votre objectif c'est le moment de vous offrir une belle récompense. Cela est très important et je vous le recommande aussi si vous le faites avec vos élèves. Une partition, un concert, une sortie etc… Bref quelque chose qui vous fait plaisir !

Pour conclure

Le défi apporte énormément sur le plan pianistique et personnel car il nous permet d'être dans une dynamique d'évolution. Une dimension importante est d'associer le plaisir au défi. Choisir un défi qui va nous permettre de progresser et en même temps d'avoir du plaisir est le bon équilibre à trouver. Je pense que se définir des objectifs, surtout en cette période de confinement où l'on perd beaucoup ses repères et l'on manque de projets, est même sain et bon pour le moral. Le défi nous permet de redonner du sens à notre travail pianistique et de nous remettre dans une dynamique de projet, surtout si nous sommes confinés à la maison.
J'espère qu'après avoir lu cet article vous serez convaincu des bienfaits du défi au piano et que cela vous donnera aussi envie ! Si vous avez aimé cet article, n'hésitez pas à le diffuser autour de vous et à écrire un commentaire.